vendredi 18 février 2011

Critique de "Manger peut-il nuire à la santé ? " (édité).


Diffusé en deuxième partie de soirée sur France 3 le mercredi 16 février, ce documentaire sonne l'alarme sur les dangers de l'alimentation actuelle du fait, entre autres, des nombreux produits chimiques ingérés. Si je ne remettrai pas en cause les conclusions du reportage, je critiquerai plutôt les manquements méthodologiques et les inexactitudes. Je me concentrerai principalement sur la première partie consacrée aux pommes.
On commence tout d'abord par la localisation géographique du Tastet, l'exploitation agricole cultivant ces pommes : il se trouve non pas à Angoulême mais à Reignac, 30 kilomètres au sud, juste en dessous de Barbezieux.
Ensuite, le narrateur dit que la France serait le plus gros consommateur européen de pesticide avec « 76 000 tonnes de pesticides répandues chaque année faisant de la France le plus gros consommateur de pesticide » (6min50 environ). Cette information est totalement erronée comme le montre le graphique et le tableau ci-dessous/contre. Outre que l'Italie est devant la France depuis 2002 (il est certes possible que la France soit repassée devant entre 2008 et 2010, mais je n'ai pas cette information actuel-lement), la consommation de produits phytosanitaire a fortement baissé depuis 1997 bien qu'elle se soit stabilisée autour des 75 000 tonnes environ. Ensuite, la France étant le plus grand pays agricole de l'Union Européenne, il est logique que la consommation de produits phytosanitaires soit plus importante. Aussi, le chiffre brut du reportage n'est en aucun cas pertinent (c'est pour ainsi dire la même chose pour le PIB).

Pour cela, il vaut mieux rapporter cette consommation à la surface agricole utilisée, ce que j'ai fait. On constate que la France est à la 7ème position, loin derrière la Belgique ou l'Italie.
Enfin, la journaliste a acheté un certain nombre de pommes et le laboratoire a retrouvé la trace de Carbendazime, un produit certes interdit mais dont l'utilisation était tolérée jusqu'au 31 décembre 2009. Le reportage ayant été réalisé durant l'année 2010, il est logique de retrouver des traces de cette substance surtout que rien ne prouve que les pommes achetées soient du « millésime » 2010, les pommes étant stockées durant l'hiver.

Edit : Voir la réaction de Daniel Sauvaitre sur son bloc-note à propos du reportage.




Sources :
Données Eurostats sur les pesticides.
Emission disponible 7 jours sur Pluzz.




Version PDF de l'article

mercredi 16 février 2011

L'État des forêts dans le monde.

La consultation des données (cf tableaux) est nécessaire. Le placement des îles du Pacifique État est approximative. Reproduction autorisée avec mention de l'auteur.


Réalisée (comme d'habitude) à partir des données mises à disposition par l'ONU, cette carte représente deux choses : le pourcentage de surface boisée de chaque pays et l'évolution entre 1995 et 2007 de celle-ci (en pourcentage).

On constate sans surprise que les États disposant du couvert forestier le plus faible se situent au niveaux des tropiques du Cancer (Afrique du Nord, Péninsule Arabique) et du Capricorne (Amérique & Afrique australes, Australie) auxquels il faut ajouter ceux d'Asie centrale et l'Islande. Si ces États sont naturellement pauvres en forêt, ce n'est pas le cas de certains autres, principalement des îles du Pacifique et des États afrincains ayant dévasté leurs forêts.
Il apparaît de manière flagrante -- sauf pour des États comme le Brésil (en particulier) ou l'Indonésie -- que les pertes sont importantes au niveaux des forêts tropicales et équatoriales, essentiellement celles d'Afrique et du nord de l'Amérique latine. Cela s'explique par le besoin en terres agricoles (essentiellement pour l'exportation, les agrocarburants...) , de l'industrie forestière, des besoins en bois de chauffage...

Ces pertes, certes justifiées en partie par les besoins des populations locales, sont une catastrophe en terme de biodiversité -- les forêts équatoriales et tropicales concentrant la majeure partie des espèces --, de lutte contre le changement climatique. On peut également ajouter que la déforestation pour l'agriculture n'est pas viable à terme car cela amène une modification du régime des pluies, une érosion importante et donc un épuisement des sols. 

Par contre, on constate que les États européens, nord-américains, proche-orientaux  ainsi que chinois et vietnamiens   voient une stagnation ou une augmentation plus ou moins importante de leur couvert forestier. Ici, l'abandon de certaines terres agricoles, une meilleure gestion des forêts explique l'extension de ces dernières.


Tableaux :
Sources :
UNdata.


Sur le Brésil : voir les différents articles de novembre et décembre 2010 sur le blog Visions cartographiques.


lundi 14 février 2011

Critique de lecture : 2033. Atlas des Futurs du Monde.

« L'avenir n'est jamais que du présent à mettre en ordre. Tu n'as pas à le prévoir mais à le permettre. »
Cette citation d'Antoine de Saint-Exupéry ouvre en tant qu'épigraphe l'admirable ouvrage de Virginie RAISSON (membre du Lépac, coauteure de l'atlas de l'excellente émission Le dessous des cartes, diffusée tous les samedi à 17h50 sur Arte) et résume assez bien l'objectif de cette dernière. En effet, à partir des données disponibles actuellement, l'auteure trace les grandes tendances que connait/va connaitre notre monde pour nous donner un portrait médian de celui-ci en 2033.

Ne l'ayant pas encore lu entièrement, ma critique ne sera qu'incomplète, aussi, je vous invite à lire celle qu'en a fait Olivier Kempf sur son bloc-note. Je ne peux que conseiller cet ouvrage qui est très bien écrit, richement illustré (ce qui est un peu normal pour un atlas). Il s'organise autour de la "Sainte Trinité", trois parties divisées en trois sous-parties intitulées :
  • Des vides et des pleins, consacrée à la démographie, les migrations, l'urbanisation ;  
  • Une planète trop peuplée ?, consacrée à l'agricuture, l'eau et la surpopulation ;  
  • En voie de dépassement, consacrée aux énergie, aux signes d'épuisement et au climat.
Chaque double-page est consacrée à un thème particulier avec un texte, les sources et une carte et/ou un ou plusieurs graphiques. L'auteure remet en cause certaines idées, nous donne des chiffres parfois étonnants (dans le sens où l'on ne se pose que rarement la question qui va avec) mais toujours instructifs.


Je ne reprocherai actuellement que 2 choses :
  • L'utilisation, le plus souvent, du Produit intérieur brut en parité de pouvoir d'achat (PIB, PPA) en lieu et place du Produit intérieur brut en parité de pouvoir d'achat par habitant (PIB/hab, PPA) qui me parait plus indiqué, plus pertinent (voir page 50 par exemple) ;
  • Pour la cartographie et les diagrammes, on peut regretter quelques incohérences entre le texte -légende- et l'image comme à la page 98 sur l'empreinte aquatique de l'oeuf ou aux pages 58-59 où le texte descriptif et les diagrammes sont inversés. On aura parfois du mal à voir le contraste entre les couleurs de certaines cartes, mais c'est un problème inhérent à la cartographie.


 Je terminerai en vous citant certaines informations de l'Atlas, en espérant que cela vous incite à le consulter :
  • L'année 2017 est estimée comme celle qui verra l'épuisement d'un certain minerai, le diamant auquel on peut ajouter l'or en 2030, l'argent en 2028 ou encore le cuivre en 2044 (page 153) ;
  • Diverses empreintes aquatiques : pour 1 kilogramme de boeuf, il faut 15 500 litres d'eau contre 3 920 pour la même quantité de poulet. En dédicace à mes camarades estudiantins : 280 litres d'eau pour 250 mL de café contre 30 L pour la même quantité de thé (page 98-99).
  •  Enfin, page 59, à propos de l'immigration et accessoirement sur le libéralisme économique :
"En Europe, [...]  on juge l'immigration plus facilement intrusive sur le plan culturel que bénéfique sur [les plans sociaux, démographiques ou de la consommation et de l'emploi]. Or, selon les calculs de la banque mondiale, l'augmentation de 3% de la main-d'oeuvre des pays industrialisés par l'immigration en 2006 y a dégagé un revenu supplémentaire de 160 milliards de dollars, soit davantage que les gains tirés de la libéralisation du commerce des marchandises. [...] En Italie, où le solde migratoire a été multiplié par 7,5 entre 2000 et 2007, on a constaté que le taux de chômage était passé de 10,1% à 6% sur la même période."


Références : Virginie RAISSON, 2033. Atlas des Futurs du Monde, Paris, Editions Robert Laffont, 2010. 30€.

dimanche 13 février 2011

La révolution tunisienne et ses conséquences sur le monde arabe -2.

La chute de Ben Ali a finalement eut des conséquences importantes supplémentaires. En effet, après plusieurs semaine de manifestation, le peuple égyptien a obtenu la démission, le  11 février 2011, du président Moubarrak grâce au soutien de l'armée. Cette dernière, dont l'ensemble des présidents de la République arabe d'Égypte sont issus, a promis une transition démocratique vers un pouvoir civil élu. Reste que l'on a aucun détail sur le délai, les modalités (participation ou non des Frères musulmans) de cette élection. D'ailleurs, un militaire pourrait se présenter après avoir démissionner de l'armée d'une manière identique aux élections birmanes
Aujourd'hui, 12 février, des manifestations demandant un changement de régime en Algérie ont eut lieu. Mais elles ont été rapidement dispersées, les manifestants étant de surcroit peu nombreux. Cela s'explique par la préparation des forces de l'ordre et les mesures prises par le gouvernement pour réduire le mécontentement (baisse des prix). Il est possible que le mouvement prenne de l'ampleur et réussisse bien que cela me paraisse encore improbable pour le moment -mais personne n'avait prévu la chute rapide des dictateurs égyptiens et tunisiens.
Malgré quelques manifestations au Yémen, une diffusion du mouvement parait à priori lointaine mais pourrait ne pas être sans conséquences, les régimes pouvant alléger la "pression" pour rester en place.

jeudi 10 février 2011

Les services de renseignement en France et aux États-Unis d'Amérique.

Le renseignement repose sur un certain nombre de techniques dont les principales sont  :
  • Le renseignement d'origine sources ouvertes (ROSO) qui représente au minimum 80% de l'information disponible : internet, livres, journaux...
  • Le renseignement d'origine humaine (ROHUM) qui repose sur la récupération de l'information auprès des personnes la possédant, le plus souvent par manipulation1.
  • Le renseignement d'origine opérationnelle (ROOPS)qui repose sur la récupération de l'information par des moyens spéciaux : effraction, surveillance, infiltration2...
  • Le renseignement d'origine électromagnétique (ROEM) qui repose sur la récupération de l'information grâce aux radars, lasers, écoutes téléphoniques, la cryptanalyse...
  • Le renseignement d'origine image (ROIM) ou géographique qui consiste en l'utilisation des satellites d'observations, des avions.

Ces différentes formes de renseignement sont utilisées pour remplir un certain nombre d'objectifs : renseignements militaire, politique, économique3 ; contre-terrorisme ; contre-prolifération ; contre-ingérence/espionnage. Ces différentes fonctions sont réparties entre plusieurs entités, le plus souvent entre des services de renseignement extérieur et intérieur. Mais elles sont le plus souvent plus nombreuses. Ainsi, les États-unis d'Amérique disposent de 17 agences reconnues et la France, 6.
Les budgets des deux communautés de renseignement sont extrêmement différents, le budget de certaines agences étasuniennes, voire toutes, est supérieur au budget de la défense français. Depuis 2001, les États-unis d'Amérique ont fait exploser budget, moyens et effectifs comme l'a montré une enquête du Washington Post portant sur l'espionnage des étasuniens eux-même, la multiplication des officines privées entre autres (voir plus bas). 
Si les moyens français sont inférieurs, ils restent efficaces, soutenus par une législation particulière, et montent en puissance depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy à la présidence. Ainsi, une direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), résultat de l'absorption de la plus grande part de la DCRG (les renseignements généraux) par la Direction à la sécurité du territoire (DST). Ce développement met fin (?) en partie au retard en terme de culture du renseignement des dirigeants français et de la population en général4.
Que ce soit aux États-Unis d'Amérique ou en France, le renseignement technique, et plus particulièrement l'informatique, prend de plus en plus d'importance. Ainsi, on peut citer pour les États-Unis d'Amérique la société Palantir qui a développé un outil (à priori génial) de traitement de l'information et de recoupement de celle-ci. La France ne se débrouille pas si mal en terme de renseignement technique, bien qu'il soit impossible de rivaliser avec la NSA et son réseau Echelon. Mais apparemment, le développement de la cryptographie au sein du grand public pour raisons professionnelles ou personnelles (plus ou moins légales) cause quelques problèmes aux services.




1 On peut se référer aux différents romans de l'écrivain britannique John Le Carré.
2 On peut se référer ici au personnage de Jason Bourne ou dans la réalité au 13ème régiment de dragons parachutiste (13ème RDP).
3 L'intelligence économique (voir la vidéo de promotion de la CEIS) est un élément majeur de la « guerre économique » qui fait rage aujourd'hui. Nombreuses sont les chambres de commerce et d'industrie à diffuser des conseils de protection, l'Agence nationale de sécurité des systèmes informatiques (ANSSI) fait de même.
4 On pourra se référer au site du CF2R qui milite depuis plusieurs années sur ce sujet. 


Liens :

    jeudi 3 février 2011

    Les conséquences de la Révolution tunisienne (dite du Jasmin) sur le monde arabe.




    La révolution tunisienne qui a mis fin au "règne" de M.Ben Ali a d'importantes (et le mot est faible) répercussions sur le monde arabe. D'importantes manifestations ont lieu en Égypte et dans une moindre mesure au Yémen, en Jordanie, au Soudan et en Algérie (mais ce n'est que la suite d'un mouvement relativement ancien) avec pour résultat la chute des gouvernements (ministères) des États égyptien et jordanien. Hosni Moubarak et Ali Abdallah Saleh - respectivement président de l'Égypte et du Yémen - vont quitter le pouvoir en 2011 pour le premier, 2013 pour le second.
    Si ces différents mouvements peuvent amener le monde arabe à se démocratiser en partie, il ne devrait pas changer grand chose sur deux sujets :
    1. l'opposition à l'Iran dont la menace nucléaire reste trop présente (d'après Olivier Kempf, un rapprochement turco-arabe ne serait pas à exclure);
    2. le dossier israélien même si la pression s'accentuerait quelque peu, Tsahal restant une menace classique trop importante pour un conflit ouvert rendu d'ailleurs impossible par l'arme nucléaire israélienne. Par contre, on peut se demander quelles seront les conséquences à plus ou moins long terme pour Gaza.
    Je finirai en disant qu'il me parait peu probable que les gouvernements marocain et algérien tombent pour plusieurs raisons :
    • du fait d'un taux d'alphabétisation moins développé que pour la Tunisie (voir sources) ;
    • d'un taux plus faible d'utilisateur d'internet  (qui ne fait pas tout, loin de là) ;
    • d'un pouvoir central plus fort pour le Maroc grâce à la monarchie.
    Données UN Data.






















    Sources hors-ligne :
    • Un monde à l'envers. Atlas du Monde diplomatique, 2009. Page 120.