vendredi 28 octobre 2011

Environnement et DROM-COM : quelle politique pour la France ? [édité]

Ce billet est le résultat d'une réflexion personnelle lancée par une conféréence de Mme Duvat-Magnan (enseignant-chercheur de l'Université de La Rochelle) et développée par et après une conversation twitter avec le marquis de Seigneulay.


Les DROM-COM sont en général peu connus des Français Métropolitains. Ces territoires se répartissent de la manière suivante :

  • départements-régions d'outre-mer (DROM) avec La Réunion, Mayotte, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyanne ;
  • des collectivités outre-met avec Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna et la Polynésie française ;
  • une collectivité sui generis avec la Nouvelle-Calédonie ; 
  • un territoire d'outre-mer avec les Terre australes et Antarctiques françaises (TAAF) ;
  • un domaine d'État avec l'île de Clipperton.
Si l'indépendance à plus ou moins long terme de certains de ces territoires est à mon avis des plus probables (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française), les autres devraient rester dans le giron de la République française. Or, ces territoires souffrent d'un manque criant d'investissements, d'un chômage particulièrement élevé (28 % à La Réunion en 2010, 24 % à la Guadeloupe en 2011...), d'un coût de la vie important amenant régulièrement des manifestations voire des émeutes comme le montre les exemples de la Guadeloupe en 2009 et de Mayotte cette année.
Or, la majorité de ces territoires disposent d'un environnement exceptionnel : La Réunion est inscrite au Patrimoine mondial de l'Humanité, la ZEE de Mayotte est un vaste parc naturel marin tandis que les  Îles Eparses subiront le même traitement prochainement. 
Les DROM-COM doivent ainsi concilier protection de l'environnement et développement économique et social ; on se retrouve donc avec une problématique de développement soutenable/durable. 

Prenons le cas de Mayotte. Cette île concentrait, en 2007, 186 387 habitants pour une densité moyenne de 511 hab/km² contre seulement 32 607 habitants en 1966. Cette explosion démographique s'explique à la fois par un fort taux de natalité (41,2 naissances pour 1000 habitants), en particulier chez les femmes étrangères, et une immigration relativement importante venant des Comores (38,7 % de la population recensée en 2007 est commorienne mais une part importante, un tiers, est née sur l'île)1. La population est extrêmement jeune avec une moyenne d'âge de 22 ans contre 39 ans en métropole2 et souffre donc d'un fort chômage du fait de créations d'emplois insuffisantes. Le retard de Mayotte se retrouve au niveau sanitaire (paludisme, lèpre, nombres de lits, de médecins faibles). En terme d'eau et d'assainissement, le retard est extrêmement grave. Le schéma directeur d'eau potable de 2003 disponible sur le site du SIEAM stipule que des investissements de 367 millions d'euros seront nécessaires d'ici 2020 pour faire face à la demande en eau qui pose de gros problèmes. L'établissement d'un large réseau d'assainissement doit donc se chiffrer en milliards. Et ce sera la même chose pour l'ensemble des domaines sociaux (santé, famille...), économiques (chômage) et environnementaux. La situation économique des Comores voisines amène une immigration clandestine non négligeable : la France doit redéployer une partie de son aide au développement sur cet Etat. L'Etat français doit mettre en place une ambitieuse (et donc coûteuse) politique de valorisation de ses territoires d'outre-mer en profitant des atouts de ceux-ci. Les énergies renouvelables sont un axe potentiellement majeur qui doit permettre de couvrir les besoins énergétiques croissants tout en permettant un développement économique majeur3. L'exploitation des gisements pétrolifères au large de la Guyane est également un axe à développer dans le respect maximum des normes environnementales (pour éviter des marées noires comme celle du golfe du Mexique) si cela profite aux populations locales bien entendu. Conncernant le Suriname voisin, l'aide au développement doit y être renforcé, en collaboration avec le Brésil. 
Sources. 
Pour Mayotte,
Notes.
  1. Source : INSEE   
  2. Source : INSEE
  3. Le Conseil économique, social et environnemental a publié en janvier 2011 un rapport sur le sujet (que je n'ai pas encore lu).

Quel avenir pour l'industrie de défense française et plus largement européenne ?

La réduction drastique des budgets des différents Etats de l'Union européenne pose bien entendu la viabilité de l'outil industriel de défense européen bien que celui-ci soit capable de créer des outils excellents dans de nombreux domaines (aviation, optronique, armement...).

Malheureusement, ces industries souffrent d'un coût élevé des matériels, de la concurrence nord-américaine ou de transferts de technologie massifs qui menacent à plus ou moins long terme la survie de nos industrie face à l'émergence de nouveaux concurrents moins chers. Surtout, la baisse des investissements internes en équipement ne permettra de compenser des pertes à l'exportation. Il est donc logique de penser que l'industrie de défense va subir de sérieux coups, du moins en terme d'emplois sur le sol européen. Ce qui consisterait une catastrophe puisque cela représente 165 000 emplois directs rien qu'en France (lettre 3P n°5).

Malgré tout, on peut espérer sauver cet outil en jouant sur les leviers suivants : 
  • préférence européenne pour l'achat de matériel, surtout quand on voit qu'il est meilleur (Rafale/Eurofighter typhoon/Gripen vs F-35 par exemple) ;
  • la mise en place d'une solide filière de traitement et de recyclage des armements (voir l'exemple ukrainien dans la lettre 3P n° 5 de l'IRIS) ;
  • le renforcement du rôle de l'Agence européenne de défense pour en faire un véritable coordinateur des industries de défense dans le but de défendre au maximum les emplois en spécialisant certains Etats dans leurs domaines de prédilection.


Lectures sur le sujet :

dimanche 16 octobre 2011

"2012. État d'urgence" de François Bayrou : premières impressions.

 
Ceci est une révolution le dernier ouvrage de François Bayrou, président du Mouvement démocrate, dans lequel il propose une analyse de la situation française avant de donner deux voies à utiliser : la production et l'éducation.
Si son diagnostic est le plus souvent pertinent (rythme législatif trop élevé, nombre insuffisant de PME, syndicalisation insuffisante...), je suis plus dubitatif sur les remèdes et certaines propositions :
  • Le fait que le Président de la République "ne peut pas être le chef d'un clan en son pays. Il représente le pays tout entier, dans la diversité de ses opinions [...]" (p. 151) me parait dès plus idéaliste et irréaliste car le Président sort d'un moule, celui d'un parti.
  • Concernant par exemple la faiblesse de la syndicalisation en France (8% des employés), M. Bayrou la regrette mais ne propose rien.
  • M. Bayrou reprend le modèle allemand pour dire que la France doit s'en inspirer pour nous relancer. Mais ce modèle repose sur l'exportation avec une faible consommation intérieure due à une compression des salaires avec pour résultat une hausse des inégalités et de la précarité, une croissance faible. Or, le modèle français reposant sur la consommation intérieure, l'application du modèle d'outre-Rhin pourrait être catastrophique.
  • Pour ce qui est de la démondialisation, M. Bayrou dit que le protectionnisme "n'a jamais marché" (p. 39). Or, dans certaines conditions particulières, cela fonctionne bien mieux que le libre-échange comme l'a montré l'historien Paul Bairoch dans Mythes et paradoxes de l'histoire économique
  • Enfin, je trouve que M. Bayrou passe bien vite sur son "plan pour les finances publiques" avec pas plus de 43 lignes sur le sujet (p. 105-107). Plan qui ne tient pas la route à mon avis  pour les raisons suivantes :
  1. Sous-estimation du montant des niches fiscales (il ne parle pas des niches déclassées) et en en conservant trop alors que leur efficacité est toute relative ;
  2. en menaçant la croissance avec une hausse de deux points de la TVA alors qu'il espère récupérer 20 milliards grâce à "la politique de soutien à la production [...], de l'investissement consécutif au grand emprunt, une croissance améliorée" (p. 107) ;
  3. en n'augmentant pas suffisamment les plus hautes tranches de l'impôt sur le revenu (45 % au lieu de 41 % plus une tranche marginale de 50 % pour les "revenus très élevés" : combien ?).
  4. en récupérant on ne sait comment 15 milliards sur les budgets sociaux. Enfin si, en réformant les retraites et en trouvant un meilleur équilibre pour l'assurance maladie. Très bien mais pourrait-on avoir quelques détails ?
  5. en baissant les interventions de l'État : c'est à dire en diminuant son train de vie, ses interventions envers les entreprises (question : et les fameuses PME ?), les collectivités locales (Question : pourrait-on avoir plus de détails et allez-vous au moins effectuer les transferts financiers qui n'ont pas eu lieu sous M. Sarkozy ?) et en continuant "avec discernement" la diminution du nombre de fonctionnaire.

Pour conclure, un livre très bien écrit par un auteur volontaire qui nous donne une analyse intéressante mais qui laisse pas mal de questions en suspens pour ce qui est de la solution.